Pour une piétonnisation temporaire aux abords des écoles : un enjeu sanitaire et sécuritaire

La scène se déroule chaque jour, devant l'entrée de l'école. Ça peut être à Crest, mais c'est aussi ailleurs en France. Il est 8h30 et une petite troupe d'enfants et leurs parents se pressent sur les trottoirs, traversent la rue d'un pas pressé, courent tout essoufflés, le bonnet de guingois sur une oreille et le manteau à moitié mis sur un bras. Tout ce petit monde s'agite et s'empresse pour ne pas arriver en retard à l'école, pour avoir, un peu, le temps de jouer avec les copains avant que ne sonne l'heure fatidique. Au milieu de cette vive pagaille, glissent des voitures. Se faufilant entre les vélos, frôlant les poussettes, veillant aux petits étourdis qui surgissent d'un coup sur la chaussée, essayant d'atteindre sans encombre le petit espace devant la porte de l'école, avant de s'y garer, s’arrêter derrière une autre voiture, pour faire descendre au plus près de l’entrée les petits retardataires. Chaque jour, et à heures fixes.

Pourtant, de plus en plus de voix s'élèvent pour que cette situation évolue. Désireux d'offrir aux enfants et à leurs parents un environnement plus sain et sécurisé, des parents d'élèves, ainsi que l'association Vélo dans la ville, on demandé à la municipalité de Crest d'envisager la piétonnisation temporaire des rues menant aux écoles. Il s'agirait, aux heures d'ouvertures et de fermeture des établissements, de fermer les rues à la circulation automobile, le temps de laisser aux parents et aux enfants de se rendre à l’école dans un climat apaisé et dans un espace sécurisé.

En mai 2020, à la sortie du déconfinement, Vélo dans la ville a écrit à la municipalité afin de mettre en place une piétonnisation temporaire, permettant ainsi de garantir la distanciation physique préconisée par les autorités sanitaires. L’expérience fut tentée, mais considérant la faible affluence dans les écoles à cette période elle fut abrégée, non sans la promesse de M. le Maire de la réitérer "lors de la pleine reprise des écoles" (courrier du maire 26/05/2020). Constatant que l’expérience ne fut pas remise en place à la rentrée, l'association Vélo dans la ville lors d'une réunion avec les conseillers municipaux T. Guilloud et C. Lemercier le 09 septembre 2020, présenta à nouveau la demande. Face à ce qu'il est convenu d’appeler une certaine réticence, l'association ne réussit à obtenir qu'une vague promesse "de renouveler ce type d'opération lors d'une expérimentation de 15 jours ou un mois". Malgré cela, rien ne fut fait. Malgré la demande des parents d'élèves des écoles C. de Chandenneux et Royannez. Malgré un nouveau courrier de Vélo dans la ville, la municipalité répond désormais aux parents d'élèves que "l'équipe municipale actuelle n'est pas favorable à une piétonnisation temporaire aux abords des écoles".



On peut s'interroger sur ce revirement en quelques mois de la municipalité, alors que la situation sanitaire exige encore et toujours d'être attentifs aux gestes barrières. Que penser aussi de continuer a exposer les plus petits aux gaz d’échappements quand on sait que la pollution de l'air est un vecteur et un facteur aggravant des maladies respiratoires. Au delà de la volonté de sécuriser les abords des écoles des risques liés au trafic automobile, c'est aussi l'opportunité d'offrir aux enfants un cadre apaisé et propice à leur développement. Dans un rapport de l'Observatoire National de l'Activité Physique et de la Sédentarité de septembre 2019, on peut lire qu' "aller à l’école à pied plutôt qu’en voiture a un impact positif sur le bien-être psychologique et physique des enfants. Ce type de transport actif est associé à des taux de dépression, d’angoisse, d’agressivité et d’hostilité plus faibles. Enfin, le transport actif est associé à une meilleure réussite scolaire". Autant d'arguments qui devraient pousser les autorités a favoriser un accès aux écoles serein, sain et sécurisé à nos enfants. Car, selon la même étude, c'est aussi l'absence de sécurité et la crainte de l'accident qui poussent les parents a utiliser leur voiture. Le défaut d’aménagements et d'accompagnement dans des pratiques actives de mobilité, aggrave ainsi les comportements des parents et les pathologies des enfants.

Quel avenir veut-on proposer à nos enfants ? Quelle éducation veut-on leur donner ? Quelle ville voulons-nous habiter ? En son temps, la piétonnisation des centres-villes avait elle aussi rencontré une opposition stérile avant de devenir la norme. Aujourd'hui, de plus en plus de communes agissent pour rendre l'espace public aux abords des écoles plus sûrs et respectueux de leurs administrés et de l'environnement. La piétonnisation, temporaire ou définitive, est une des solutions pour répondre aux enjeux sanitaires, sécuritaires, environnementaux, éducatifs et de mobilité du 21ème siècle.